Dans un monde éducatif en constante évolution technologique, deux approches innovantes gagnent du terrain : le minimalisme et la sobriété appliqués au numérique pédagogique.
Mais que signifie réellement cette tendance pour vous, enseignants en première ligne ? Découvrons ensemble comment ces philosophies peuvent révolutionner votre pratique quotidienne, vous épargner la fuite en avant et offrir de nouvelles perspectives à vos élèves.
Les avantages pour vos élèves et vous
- Gain de temps : Moins de temps passé à gérer des outils complexes, plus de temps pour enseigner.
- Réduction du stress technologique : Des outils simples et fiables diminuent l’anxiété liée à la technologie.
- Flexibilité accrue : Adaptez facilement vos cours aux différents contextes (en classe, à distance, hybride).
- Développement de compétences critiques : Encouragez vos élèves à réfléchir sur leur usage du numérique.
6 piliers pour soutenir vos choix numériques
- Simplicité : Utiliser des outils numériques faciles à comprendre et à manipuler, sans surcharger les enseignants ni les apprenants.
- Durabilité : Favoriser les logiciels libres et des ressources pédagogiques réutilisables sur le long terme, pour éviter l’obsolescence rapide.
- Accessibilité : Privilégier des outils et contenus accessibles à tous, même dans des environnements à faible connectivité ou avec des contraintes matérielles.
- Faible impact matériel : Utiliser des outils qui fonctionnent sur des appareils anciens ou peu performants pour limiter les besoins de renouvellement technologique.
- Interopérabilité : Choisir des outils et formats qui permettent le partage, l’échange et la réutilisation des ressources pédagogiques entre différentes plateformes et appareils.
- Autonomie : Créer des contenus et choisir des outils qui permettent aux utilisateurs de devenir autonomes, sans nécessiter de formations techniques poussées.
- Résilience : S’assurer que les solutions pédagogiques numériques peuvent fonctionner hors ligne ou dans des conditions de faible infrastructure réseau.
- Inclusivité : Penser à l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap en intégrant des fonctionnalités adaptées (sous-titres, texte alternatif, navigation simplifiée).
Ces piliers proviennent d’une démarche qui pourrait sembler antinomique avec l’usage des nouvelles technologies dans nos classes : le Low Tech, l’utilisation de technologies sobres et résilientes. Au premier regard, on pourrait penser qu’il s’agit d’un refus pur et simple de la technologie, alors qu’il s’agit davantage d’une approche raisonnée.
Le concept de Low Tech, popularisé par des penseurs comme Philippe Bihouix, prône un retour à des solutions techniques plus simples et accessibles. Dans le contexte éducatif, il ne s’agit pas d’abandonner le numérique, mais de l’utiliser de manière plus réfléchie et durable.
Pourquoi devrions-nous nous soucier de minimalisme et de sobriété ?
Si les piliers du Low Tech ne sont pas suivis dans le numérique pédagogique, plusieurs problèmes peuvent émerger. Voici quelques exemples des risques associés à chaque principe ignoré :
1. Absence de simplicité
- Problème : Complexité des outils numériques, entraînant une surcharge cognitive pour les enseignants et les apprenants.
- Conséquence : Perte de temps dans l’apprentissage des outils plutôt que des contenus ; frustration et abandon de la part des utilisateurs et utilisatrices surchargés ou peu technophiles.
2. Absence de durabilité
- Problème : Utilisation de technologies rapidement obsolètes ou dépendantes d’un fournisseur, entraînant un besoin fréquent de mise à jour ou de remplacement.
- Conséquence : Coûts supplémentaires pour renouveler le matériel ou les licences ; dépendance à des fournisseurs externes ; perte de ressources pédagogiques avec des formats ou logiciels abandonnés.
3. Absence d’accessibilité
- Problème : Des solutions numériques non inclusives et difficilement accessibles pour les élèves ayant des besoins spécifiques (handicap, limitations matérielles, faible connectivité).
- Conséquence : Inégalités d’accès à l’éducation ; exclusion d’une partie des apprenants, renforçant les disparités sociales et géographiques.
4. Faible impact matériel ignoré
- Problème : Des outils trop gourmands en ressources nécessitant des appareils récents et puissants.
- Conséquence : Obligation pour les établissements et les apprenants de constamment renouveler leur équipement, créant des déchets électroniques et augmentant l’empreinte environnementale.
5. Manque d’interopérabilité
- Problème : Utilisation de plateformes fermées ou propriétaires qui ne permettent pas l’échange et la réutilisation des ressources.
- Conséquence : Difficulté à transférer des contenus ou des compétences d’une plateforme à une autre, perte de flexibilité pour les enseignants et manque d’harmonisation des outils pédagogiques.
6. Manque d’autonomie
- Problème : Dépendance à des solutions numériques complexes nécessitant un soutien technique constant ou des compétences spécifiques.
- Conséquence : Dépendance aux experts ou techniciens, ralentissant la progression et réduisant l’autonomie des utilisateurs, particulièrement dans les environnements avec peu de ressources.
7. Absence de résilience
- Problème : Solutions numériques qui ne fonctionnent que dans des conditions optimales de connectivité et d’infrastructure.
- Conséquence : Décrochage des élèves dans des zones à faible connexion ou dans des environnements précaires, aggravant les inégalités d’accès à l’éducation.
8. Ignorer l’inclusivité
- Problème : Outils numériques mal adaptés aux besoins des personnes en situation de handicap (absence de sous-titres, d’aides à la navigation ou d’adaptations visuelles).
- Conséquence : Exclusion des apprenants en situation de handicap, créant des inégalités et empêchant un accès égal à l’éducation pour tous.
Pour résumer
Sans ces piliers, l’adoption du numérique en éducation peut aboutir à des inégalités accrues, une fracture numérique, une surcharge des enseignants et des apprenants, une perte d’autonomie, un gaspillage technologique et financier.
En respectant ces principes, on peut au contraire créer un environnement d’apprentissage plus durable, équitable et efficace.
La sobriété et le minimalisme au quotidien, par où commencer ?
Voici une recette aussi brève que possible pour adopter ces démarches dans vos cours :
- Identifiez vos besoins et ceux de vos apprenants et apprenantes.
- Sélectionnez un très petit nombre d’outils qui répondent à ces besoins.
- Intégrez-les progressivement dans vos pratiques pédagogiques.
- Si les résultats sont positifs, poussez plus loin l’utilisation de ces outils.
Nicolas Roland de Caféine Studio, que j’ai eu l’occasion d’écouter lors d’une matinée consacrée à l’utilisation de l’intelligence artificielle dans l’enseignement, a développé une recette plus riche en six principes pratiques (que je complète de quelques annotations):
Ne subissez pas les tendances
Ne cédez pas aux derniers outils à la mode. Ça ne veut pas dire que ces outils ne rejoindront pas votre arsenal ; simplement qu’il ne faut pas se ruer sur tout ce qui bouge 😉
Méfiez-vous des outils qui résolvent des problèmes qui n’existaient pas
Assurez-vous qu’un outil répond effectivement à un problème réel, pas qu’il crée de nouveaux problèmes.
Typiquement, la généralisation des TBI pourraient s’inscrire dans ces travers (sans les condamner au bûcher pour autant !).
Évitez le syndrome de “l’objet brillant”
Ce point rejoint le premier. Ce n’est pas parce qu’un outil attire tous les regards qu’il faut absolument s’y consacrer.
Pour tisser un parallèle avec un autre domaine qui m’occupe énormément ; dans la préparation sportive et l’entraînement on se prépare un plan d’entraînement qui suit une méthodologie précise. Si on papillonne d’une méthode à une autre en cours de route, on ne peut pas vérifier l’efficacité d’une méthode et l’améliorer pour les saisons suivantes.
C’est pareil dans le numérique pédagogique, ne jetez pas à la poubelle vos outils simplement parce qu’il pourrait y avoir mieux. Envisagez ces changements pour les années à venir.
N’accumulez pas les outils et services pédagonumériques
Évitez les doublons. Si les champs d’action de plusieurs outils se chevauchent, c’est sans doute qu’il y en a qui sont de trop.
Investissez votre temps, votre énergie et (éventuellement) votre budget avec sagesse.
Utilisez le numérique pour améliorer le non numérique
Le numérique devrait répondre à des besoins réels que vous rencontrez dans vos classes.
Cherchez un outil pour supporter une pratique pédagogique. Evitez à tout prix de chercher des pratiques pédagogiques qui permettent d’utiliser de nouveaux outils ! (ça, c’est le boulot des commerciaux qui veulent nous vendre leurs outils :p)
Développez une posture d’explorateur·rice
Du latin “explorator”, l’exploratrice est la personne
qui découvre une région, un domaine géographique
dans un but donné.
Dans un but donné. Je répète, dans un but donné.
Conclusion : Vers une Éducation Numérique Responsable
Adopter une approche de sobriété et de minimalisme numérique dans votre enseignement, c’est faire le choix d’une pédagogie plus durable, inclusive et centrée sur l’humain. C’est aussi préparer vos élèves à devenir des citoyens numériques responsables, capables d’utiliser la technologie de manière réfléchie et éthique.
Alors, prêts à relever le défi dans votre classe ? Commencez par une petite étape : choisissez un outil simple et accessible pour votre prochain cours, et observez la différence. L’avenir de l’éducation numérique est entre vos mains, faisons-en une opportunité pour tous !
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